Journal du conteur

Le boomerang-miroir

Quand la parole était encore un boomerang, les hommes ne criaient pas — car les mots criés revenaient à la figure comme gifles. Celui qui pourtant était surpris avec les joues rouges, on ne se retenait certainement pas de se moquer de lui : ça lui apprendrait à crier ! enfant qu’il était ! Et, quelque malveillants qu’ils aient accidentellement été dans l’accomplissement de ce quasi devoir moral, les railleurs gardaient les joues fraîches.

Mais il est fini ce temps ! Il est loin ; il était déjà révolu à l’époque où les Indo-Européens commençaient à s’imposer, quand la parole est devenue l’arme offensive d’un combat pratiqué d’autant plus à distance que ses relais devenaient nombreux. Tout retour en arrière est présentement impossible ; il est bien trop tôt pour cela. Mais le regard, du moins, se corrige plus facilement. D’où l’invention récente du boomerang-miroir : dans lequel c’est au sommet de sa courbe, au plus loin de ma main, que moi lanceur me vois le mieux.

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