Journal du conteur

Depuis qu’il m’a capturé…

Depuis qu’il m’a capturé, il joue avec moi : d’une main il me précipite, de l’autre il me retient au bord de l’abîme. Je devrais y être habitué maintenant — ne s’habitue-t-on pas à tout ? — mais je n’y parviens pas : à chaque fois je ne peux pas ne pas être tourmenté par la crainte que cette fois-ci il ne veuille ou ne puisse pas me retenir. Il me faudra, je crois, encore de longues années de servage désespéré pour que j’en vienne, non plus à craindre, mais au contraire à désirer la chute et la délivrance, la seule délivrance possible, qu’elle m’apporterait.

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