Journal du conteur

Les métamorphoses

Quand je veux devenir un lion, je dépasse rarement le chat, félin certes, agile, mais bénin. Souvent même je m’arrête au chaton, dont les velléités ne suscitent qu’exclamations enfantines et sourires attendris.

Quand je veux me faire insecte… l’écart et l’effort sont bien moindres : la réussite est quasi garantie. Scarabée, coccinelle, ce n’est qu’un pas. Puis viennent de proche en proche luciole, papillon, fourmi, puce, moustique, phasme… et enfin la blatte. En général je vais jusqu’au bout, assez vite et facilement, non sans sauter de nombreuses étapes. C’est le retour qui est difficile. Un jour peut-être je ne pourrai plus rentrer, je n’y arriverai pas. Espérons que je dépasse tout de même la punaise et la mante, que j’aille au moins jusqu’à la libellule, jusqu’au gendarme.

Si c’est le hérisson ou la petite tortue qui m’appelle, comme il arrive quelquefois, je peux y aller en confiance : aller comme retour ne sont qu’un peu difficiles. Mais ma carapace ou mes épines restent toujours molles.

Le plus facile, dans les deux sens, c’est l’escargot. Celui-ci, je le deviens même parfois sans m’en rendre compte, par accident.

Le plus difficile, c’est l’homme. Lointain idéal, quasi mythique… Je n’essaie même plus.

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