Journal du conteur

Alors que ta main de cueilleur…

Alors que ta main de cueilleur s’abaisse vers la fraise offerte, tu entends bouger dans les fourrés, à quelques mètres. Le bruit te fait lever la tête, et tu aperçois l’ours. Terrifié, tu te mets à courir vers les autres, du plus vite que tu peux. Les buissons piquants que tout à l’heure tu avais précautionneusement contournés, d’un bond tu les enjambes, sans crainte des serpents ni des chutes. Les branches souples qui te fouettent visage et corps, les ronces qui t’égratignent, tu n’y prends pas garde. Dans ta fuite, tu te fais lièvre, tu te fais antilope, chevreuil, guépard ! Comme la peur pour ta vie, l’instinct de la sauver, rendent les choix simples, font du reste un détail.

Et comme — tu t’en rends compte, arrivé, essoufflé, à l’abri du groupe — comme ta vie serait plus facile s’il y avait toujours un ours à ta poursuite !

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