Journal du conteur

Certains n’ont fait que les quelques dernières…

Certains n’ont fait que les quelques dernières centaines de mètres à pied, à travers les dunes ; certains ont même dû être portés ; d’autres arrivent là au bout de nombreuses semaines de pèlerinage profane. Mais tous au même moment, dans un silence à peine troublé, pieds nus sur le sable sourd, s’approchent du rivage autant que le permet leur nombre croissant d’année en année, puis, là où ils sont, s’allongent sur le sable et contemplent le ciel nocturne du solstice d’été.

Les premiers à pratiquer puis populariser ce rituel, dans leur solitude trouvaient facilement ce qu’ils venaient chercher : le sentiment apaisant d’être petit sous les étoiles. Mais les derniers arrivés, à les voir, à les écouter, et malgré la foule qui recouvre la plage, trouvent eux aussi facilement, impressionnés par un silence et une prévenance qu’une telle promiscuité empêche habituellement. Ils se recueillent peut-être différemment, n’étant plus rares sous les étoiles mais partageant leur médiocrité avec ceux dont le moindre mouvement fait sentir et toucher la tête, qu’on n’ose pas caresser, les pieds, de l’odeur desquels on ne s’offusque pas, les mains, qu’on voudrait saisir, que les plus confiants serrent parfois ; mais ils ne semblent pas moins émus. Il fallait qu’ils fussent attirés, guidés là, leur masse se prête à l’amortissement d’une transcendance temporelle et spatiale dont l’ivresse a déjà pu rendre folles quelques imaginations.

Désormais, cela ne peut plus durer toute la nuit. Les premiers ronflements, les premiers chuchotements sonnent la fin d’un événement écourté mais qu’il a été décidé, étant donné les bienfaits individuels et collectifs qu’il prodigue, de répéter dès l’année prochaine aux équinoxes.

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