Journal du conteur

Dans sa course quotidienne contre lui-même…

Dans sa course quotidienne contre lui-même, presque tous les soirs il finit second. Parce qu’il part le dernier, et surtout parce que, presque tous les jours, ce n’est qu’à l’approche du soir qu’il se met à courir — quand il est déjà trop tard. Souvent même il ne court pas du tout : déjà assuré de son échec, il continue à se traîner jusqu’à son lit, où il se promet de s’y mettre le lendemain à l’aube… Mais le lendemain il a toute la journée pour s’y mettre : à chaque instant du jour, il sait — si du moins il s’interroge — quelle est sa position dans la course et où se trouve son adversaire, et il sait aussi qu’il n’est pas rapidement trop tard : en une heure ou deux de course intense, il peut, avec un peu de chance, rattraper l’écart d’un jour entier et remporter la journée ex-æquo ; son échec habituel lui est d’autant plus impardonnable et dépitant que la victoire est si facile.

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