On prend les jeunes…
On prend les jeunes et, comme des chiots voués au traîneau, on les attache les uns aux autres et on tape au hasard sur la troupe avec le fouet. Au début, naturellement, celui qui reçoit le coup de fouet toujours immérité, sans fuite ni rébellion possibles, a tendance à se délester de sa rage sur ses pairs : on tape ainsi jusqu’à ce que les coups aient au contraire créé une indéfectible solidarité entre les membres de la génération. Alors il devient possible et presque facile de les diriger, tous ensemble, d’un seul coup de fouet — leurs dos endurcis n’en souffrent plus guère —, vers là où les anciens l’ont décidé.
Désormais dociles, on peut bientôt, les observant plus commodément, discerner les meneurs des suiveurs — car leur vie commune ne les a pas rendu identiques —, et dès lors tous les détacher ou du moins relâcher largement les liens, et assigner à chacun, selon ses moyens supposés, une tâche utile à la communauté — une tâche plus ou moins difficile mais jamais inutile.
Ceux que les coups n’ont pas apprivoisés sont impitoyablement et définitivement bannis. Ainsi la communauté se soude elle-même, devient de plus en plus solide, et grandit, grossit, comme un seul corps.