La frontière
Sous la frontière, il creuse un trou, pour rentrer chez les hommes. La porte, proche, est grande ouverte, mais il ne peut pas l’emprunter ; un garde la surveille : pour entrer chez les hommes, il faut jouer à l’homme, et c’est ce qu’il se refuse à faire. Il pourrait aisément enjamber la frontière, qui n’est qu’un simple muret de pierres, mais pour rejoindre les hommes sans jouer à l’homme, il lui faut passer outre leur monde, de la manière la plus humble, la plus lente, la plus rampante : il faut passer en dessous de la frontière. Toute éventuelle fraternité est à ce prix. Et c’est pourquoi la frontière s’enfonce de plusieurs mètres dans la terre. Il le sait, et continue de s’efforcer vers la profondeur. Quand il est fatigué de creuser, il s’assoit sur la frontière, et de là, les jambes déjà chez eux, il regarde les hommes, ses congénères : de temps en temps, une bande de quelques nomades passe silencieusement.