La montée n’est pas très difficile…
La montée n’est pas très difficile, mais elle est longue. Tu avances sur le chemin, après le guide, une vieille femme dure. Elle vous traîne, vous les enfants (pourquoi êtes-vous là ? Êtes-vous orphelins ? Ou en maison de correction ?…). Vous montez, fatigués mais sans vous plaindre, sans oser réclamer une pause. Le jour avance. Finalement vous parvenez au sommet de la colline, et là commence la forêt, qui dévale la pente, la pente insensible, jusqu’à l’horizon. La forêt tombe en déliquescence, les arbres sont courts, étroits, chétifs ; ils s’émiettent, s’effritent sous la main ; certains sont noirs, comme calcinés, et d’autres blêmes comme des cadavres. Peu d’herbe, mais de la mousse, des lichens. Tout est sourd et solitaire, vous marchez dans le silence et les bruissements du végétal ; même la voix de la guide est sourde, comme ta propre voix intérieure, quand elle dit : « Et maintenant on passe à côté de la petite main rouge aux ongles rouges », comme si tu te parlais à toi-même, te surprenant à dire quelque chose à quoi tu ne t’attendais pas, comme ta propre pensée. Tu te retournes, et, juste à l’entrée de la forêt, voici la maison de la sorcière, avec la vieille main rouge aux ongles rouges par terre au pied de son arbre, lentement pourrissante, déjà presque végétale, à peine discernable dans les lichens. Vous passez, et la guide ne s’arrête pas. Vous, les enfants, vous n’osez pas vous arrêter, pas même un instant malgré l’envie qui vous en brûle. Le cou tordu, vous regardez, fascinés, la main rouge aux ongles rouges, vous la suivez du regard le plus longtemps possible, avec une curiosité dévorante. Mais la guide vous tire du rêve en crachant par terre. Votre attention détournée, elle dit de sa voix éraillée : « Cette vieille main rouge aux ongles rouges » — elle crache — « immonde… Et si petite, si faible là toute seule au pied de son arbre moribond… Elle ne vaut même pas la peine d’être tranchée. »