Journal du conteur

Les moutons n’ont plus besoin de berger…

Les moutons n’ont plus besoin de berger, ni même des chiens : ils vont désormais d’eux-mêmes, tous ensemble, à l’abattoir, se poussant, s’entraînant les uns les autres, les femelles guidant leurs petits, les puissants mâles fermant les rangs. Les troupeaux entiers ralentissent pour attendre les retardataires, les vieux, les boiteux, qu’on aide, qu’on tire si besoin jusqu’au but. Il n’est même plus nécessaire de relever les barrières que le temps et les intempéries ont couchées, elles sont laissées à l’abandon, inutiles. Les moutons passent entre elles sans les voir, sans accorder un coup d’œil aux champs et prairies auxquels elles n’interdisent plus l’accès. Ils n’ont d’yeux que pour le grand bâtiment décoré de l’abattoir ; c’est en chantant qu’ils s’y rendent.

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