Journal du conteur

À leur majorité…

À leur majorité, leurs parents doivent les décrocher, c’est la loi. Le père ou la mère ouvre d’une main la serrure déjà souvent rouillée de la chaîne qui attache son poignet au cou de sa fille ou de son fils, et, frottant ce poignet tantôt pâle tantôt rouge, remet la chaîne à l’État pour la cérémonie officielle. Plus de grands discours, nous en avons perdu le goût, ou du moins nous n’y croyons plus. Les soldats préposés à la cérémonie — une des rares prérogatives que l’armée a réussi à conserver — accrochent une à une toutes les chaînes des nouveaux adultes, des nouveaux majeurs, des nouveaux électeurs au grand treillis qui forme la société et presque le monde. « Vous êtes libres » leur annonce-t-on simplement. C’est bien ce qu’ils ressentent, se dit l’observateur de la grande fête populaire qui s’ensuit, admirant la virtuosité des danseurs.

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