Journal du conteur

Les trois coups retentissent…

Les trois coups retentissent et le silence se fait dans la salle comble. Le rideau s’ouvre sur une scène noire. Peu à peu la clarté grandit et d’abord on distingue quelques têtes côte à côte. Puis des corps sous ces têtes, et au-dessus d’autres têtes encore ; de même de chaque côté. Les premiers rangs s’avisent enfin que la scène entière n’est occupée que d’un immense miroir. Le spectacle est donc bien dans les gradins. Chacun se cherche, vérifie son maintien, puis une fois son attitude trouvée, reste immobile, évite de se gratter le nez ou les oreilles, ne bouge que les yeux et regarde les autres. Chaque spectateur est à tous un vivant spectacle. Une heure passe ainsi en scrutements suspicieux et méprisants, rarement admiratifs, jamais pitoyables. Tout à coup un grand bruit et le miroir explose, désormais inutile. Le rideau se ferme et le spectacle se lève, descend les escaliers, s’étend sur les trottoirs, s’éparpille peu à peu sans pour autant cesser tant qu’un seul œil est encore ouvert.

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