Journal du conteur

Arrivé parmi les non-premiers…

Arrivé parmi les non-premiers, je dois me contenter d’une vie quelconque, errante, oiseuse, presque onirique. Un destin ? Disparaître. Un but ? Ne laisser aucune trace. Je revendique la médiocrité à laquelle j’ai été assigné par hasard.

Serais-je arrivé plus tôt, j’aurais eu le choix. Le grand sac des buts et des sens n’était pas encore vide. J’aurais tiré l’exaltant, ou du moins le remarquable. Mais, parti tard, j’ai par surcroît traîné. Le sac était vide et je n’ai même pas été autorisé à glisser ma main dedans. Dérisoirement unique, j’ai suivi la foule, où si ma voix n’est que la mienne, elle est inaudible. Mais j’ai beau jouer des coudes, impossible de rester bien au milieu, bien entouré, négligé, annulé. Comme une bulle d’air qui ne peut éclater qu’à la surface du fleuve, je me retrouve toujours au bord. Par une dynamique aussi mystérieuse que persistante, même l’anonyme me repousse, comme si j’étais en avance sur ma propre absence.

353