Journal du conteur

Chaque fois qu’il disait « moi »…

Chaque fois qu’il disait « moi », il disparaissait. Il pouvait continuer à parler longuement, entièrement concentré dans sa voix.

Mais il suffisait qu’il dise quelque chose comme « mon moi », « mes mains », « j’ai les cheveux longs », « l’œil me gratte »… pour qu’il réapparaisse. Chose curieuse cependant, bien qu’il continuât de parler, sa bouche ne bougeait pas.

Il lui fallait un gros effort de concentration, ou peut-être, au contraire, un oublieux abandon, pour qu’il se tienne de nouveau tout entier devant nous, parlant, bouche mobile, appuyant de regards et de gestes ses discours, susceptible d’entendre les nôtres et d’y répondre.

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