Du haut de leur palais isolé…
Du haut de leur palais isolé, protégé, ils observent, au bas des remparts — à peine visibles à cause de la distance gigantesque — la foule des hommes, acculés contre le mur par leurs propres enfants. Une mer d’hommes, jusqu’à l’horizon circulaire. Et eux, là-haut, calmes, propres, polis, discrets, cultivés, peu nombreux, réfléchis, circonspects, observent tristement, et avec fascination, la mer humaine qui les encercle. Que faire ? S’ils ouvraient les portes, ils seraient, en quelques instants, submergés, écrasés. L’édifice n’y résisterait pas, il s’écroulerait — seules ses fondations sont inébranlables —, et nul n’y gagnerait rien. Ou bien, au contraire, le monde entier y gagnerait le reflux de la mer humaine. Cette possibilité, ils n’ont pas le courage de l’envisager, de la tenter, et c’est pourquoi, dans leur prison céleste, ils sont malheureux, ils ont mauvaise conscience. Contrairement à ceux d’en bas, ils n’ont le recours ni de l’espoir, ni de la rage.