Il ne vit ni à l’intérieur ni à l’extérieur…
Il ne vit ni à l’intérieur ni à l’extérieur, mais à la limite, à la frontière entre les deux, à côté de la porte qui les joint. La porte lui est grande ouverte, il est libre d’entrer puis de sortir, comme de partir. Mais il ne fait ni l’un ni l’autre. La plupart du temps il est à la porte, le dos appuyé à son chambranle, de manière à pouvoir, en tournant la tête d’un côté ou de l’autre, surveiller le grouillement de l’intérieur et l’infinie vastitude de l’extérieur. Celle-ci l’attire, mais l’effraie : il reste là, il la scrute douloureusement aux moments où c’est de solitude, d’ascèse, d’érémitisme qu’il rêve. Aux moments où, au contraire, c’est de fraternité qu’il ressent l’envie, c’est vers l’intérieur, la ville, que ses regards avides sont tournés. Si le besoin est trop fort, il entre, mais juste d’un pas. Là, il opère un quart de tour vers la gauche ou la droite, et commence à longer toute la face interne de la frontière circulaire de la ville. Et quand, fatigué, généralement rassasié, le tour complet accompli il revient à la porte, il peut reprendre sa place accoutumée. Il s’adosse au chambranle et s’assoupit quelques heures avant de reprendre sa veille.