Le noyeur
Il se noie. Il coule, il appelle au secours, se débat. Il y est depuis des heures. Épuisé, presque désespéré par l’absence de tout secours visible, il n’est pas loin de succomber. Il ne peut plus crier car il avale à chaque fois de l’eau, une eau terriblement âcre et salée, un peu plus à chaque fois. Il la crache, mais une autre eau lui bondit en pleine figure. Il veut aspirer l’air, et c’est l’eau qui remplit ses poumons. Alors il garde la bouche close, il respire précautionneusement par le nez : c’est épuisant. Il n’en peut plus, il n’a plus la force, il se laisse aller. Sa tête est sous l’eau. Il s’enfonce.
Il ne souffre plus, c’est merveilleux ; il vit, enfin libre, enfin pur. Il ne voit plus rien, il n’entend plus. Des mots ? C’est sa propre voix ! Il est au fond, au fond !
Tout à coup pourtant la douleur, la peur, l’étreignent de nouveau. Il recommence à battre des pieds, il recommence à bouger les bras frénétiquement. Il aspire de l’air, il voit un ciel, un horizon, il sent le vent. Et tout recommence. Il continue d’appeler au secours, il ne sait plus lui-même si c’est pour qu’on le tire vers le haut ou vers le bas.