Journal du conteur

Il nous fallait un bouc émissaire…

Il nous fallait un bouc émissaire. Dans le sang, nous avons scellé notre union, apaisé nos craintes. Il ne fallait pas aller plus loin. Mais de craintifs, nous sommes devenus sanguinaires. Non plus sacrificateurs, mais simplement meurtriers. Nous continuions à appeler boucs émissaires nos victimes, mais elles ne soulageaient plus d’autre crainte que celle de devoir nous regarder en face. Quand il n’est plus resté aucun étranger, aucun esclave, aucun mendiant, aucun malade à sacrifier, nous nous sommes mis à nous entretuer, jusqu’au dernier — jusqu’à moi. Désormais, chaque lapin qui croise ma fuite, chaque feuille qui tombe, chaque branche qui me fouette le visage, crie « Vengeance ! ».

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