Journal du conteur

Où sont-ils tous ?…

Où sont-ils tous ? Je parcours les rues désertes au bord des hauts bâtiments vides, et ne vois personne, non pas comme s’ils étaient partis pour revenir bientôt, mais comme s’ils avaient complètement disparu. Tous leurs outils sont pourtant encore là : est-ce alors qu’ils envisagent quand même de revenir, mais dans très longtemps ? Plus anormal en tout cas que leur absence, est le sentiment de plénitude que j’en tire. La solitude qui rend fou viendra bien assez tôt : pour ces quelques heures, ces quelques premiers jours, je profite sans arrière-pensées du monde entier offert à mes regards et mes pas. Je visite, je scrute, je rassasie ma curiosité comme jamais.

Je m’installe au fond d’une pièce d’où je peux contempler, par les fenêtres nombreuses, une large portion du paysage. Je ramène là mes quelques possessions et m’attache à ma vie quotidienne. Tous les jours je sors me balader ou courir par les chemins que mon seul passage entretient à peine, je suis les routes jusqu’aux villages alentour, où je rêvasse aux vies qui avaient pu être menées derrière les murs des maisons vides ; tous les soirs je passe des heures dans les rues, assis sur un perron quelconque, ou derrière mes fenêtres à guetter les hommes. Je ne sais pas encore si c’est avec avidité ou anxiété que j’attends leur retour.

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