Journal du conteur

Il ouvre la bouche pour parler…

Il ouvre la bouche pour parler. Je ne lui en laisse pas le temps : d’un geste imparable, fulgurant, j’enfonce mon poing dans sa gorge et j’en arrache, en retire dans le même instant sa parole. Privé de voix, de mots, presque de monde, il s’étiole, se dessèche à vue d’œil. Il s’effondre en lui-même et ne tarde pas à disparaître, petit sac de chair et d’os sans forme, puis cendre dispersée par le vent.

J’ouvre ma main : sa boule de parole y palpite comme un cœur. Je l’empoche et m’en vais, vainqueur cette fois encore. Elle ira rejoindre ses semblables derrière les vitres de ma collection. Je les conserve comme trophées, en attendant que la mienne les rejoigne, sur les étagères d’un autre.

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