Journal du conteur

Il se durcit…

Il se durcit : il n’a pas d’autre moyen d’en sortir. La tête est faible et petite. Mais il durcit tellement… qu’au moindre choc il éclate. Dans le harassement des éclats, il se repent : n’aurait-il pas dû être plus prudent, plus mesuré ? Pourquoi ce besoin de se durcir autant ? Ne pouvait-il pas se contenter d’une rigidité suffisante pour la droiture et l’avancée rapide mais n’interdisant pas une certaine élasticité, l’encaissement de certains chocs, de légères déformations ? Avait-il besoin de plus ? Maintenant, et pour longtemps encore, il aura bien moins. Il commence à se rassembler. Avant d’être homme de nouveau, il devra passer par le stade du sac : lui tout entier dans sa peau, sans un seul os. Le désir de la dureté alors va le torturer, plus encore que le ridicule, plus que les coups, les insultes dont on l’accable et le moque, qu’il appelle, dans sa honte, et qu’il redoublerait s’il pouvait bouger, parler. Mais quand il pourra enfin satisfaire ce désir qui n’a fait que croître, il ne parviendra pas à s’empêcher de vouloir le faire une fois pour toutes. À défaut de réussir à se figer dans le durcissement qui n’exclut pas la souplesse, de peur de ramollir de nouveau il va, cette fois encore, continuer sans borne à se durcir. Pendant quelques instants il va vibrer d’extase… puis recommencer.

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