Je regarde mes mains…
Je regarde mes mains, longues, fines, aux longs doigts osseux, je les regarde se lever vers ma crinière, je les sens caresser mon mufle, je sens mes babines retroussées, je les sens redescendre et caresser mon torse velu, lisser mes tentacules et vérifier l’articularité de mes huit pattes, tester la dureté de mes sabots fendus. Je les pose sur mon visage, et je le retire ; je les pose sur ma gueule, et je la retire ; je les pose sur mon bec, et je le retire, sur mes yeux à facettes innombrables, et je me les arrache, et par les arcades vides je fouille de ma trompe le système limbique et l’hypothalamus, les hémisphères du cerveau et j’atteins la nuque et la moelle épinière, et je la tire lentement ; d’un coup de croc je crève ma carapace et par le trou je fais sortir ma colonne vertébrale, et je me contemple, effondré, sac de chairs déstructurées, je me vois par les orbites vides de mon crâne, autour de moi mon visage ma gueule mon mufle mon bec mes yeux jetés éparpillés je les rassemble avec mes griffes et je les emprisonne dans ma toile, et bientôt c’est tout ce qu’il reste : un gros sac mort et un petit sac plein de vies.