La boule
Chaque fois qu’elle dévalait la faible pente du pré, zigzaguant entre les bancs, décollant sur les bosses, les parents affolés rappelaient leurs enfants. Mais les enfants, renversés sur les balançoires lancées, agrippés au murs d’escalade comme des araignées, rampant dans les labyrinthes inoffensifs ou secouant les échelles de cordes, la regardaient passer, fascinés.
En bout de course, elle venait mourir contre la clôture. Alors les enfants se précipitaient sur elle et leurs cris la ranimaient. Elle faisait semblant d’essayer de leur échapper, elle les tamponnait quelque peu ; ils tombaient en riant et se relevaient aussitôt, tandis que les parents, de moins en moins inquiets, surveillaient la scène avec curiosité.
Finalement, encerclée, elle s’avouait vaincue, et se laissait faire. Les enfants, poussant tour à tour la ramenaient en haut du pré, sur le monticule, et s’éparpillaient vers les activités, la surveillant du coin de l’œil… Elle prenait son élan et tout recommençait.
À force de gentillesse, la boule avait vaincu toutes les oppositions, les réticences des adultes… Alors elle partit escalader l’Everest.