La tête
Nuit. Je me réveille. Jour. Je suis enterré. Ensablé, précisément ; à la verticale ; la tête seule à l’air, au ras du sol. Impossible de bouger, de m’extraire du sable dur comme pierre. Peut-être n’ai-je plus ni bras ni jambes, on me les a déjà coupés, quadruple amputé par la haine à ras du corps. Mais non, parce qu’alors je n’espérerais plus être sauvé, je voudrais qu’on m’achève. Tandis que l’espoir et la terreur me ravagent.
Personne. Une corneille, noire, s’approche ; je crie et crache pour la faire fuir. Je ne suis pas encore mort ! Je garde mes yeux ! Puis un enfant. Il m’aidera ! Non : il rit ; me jette du sable sur la tête ; m’en met dans les yeux, écartant mes paupières ; m’enfonce des brindilles dans les oreilles et les narines. J’arrive à le mordre. Il se venge à coups de pied dans mon visage. Nez, dents cassés, lèvres éclatées, yeux tuméfiés. Je perds mon sang. Je l’entends m’injurier ignominieusement. Je l’abomine. Je m’abomine. Je nous abomine tous les deux de m’infliger cette horreur humiliante. Mais surtout moi qui puis l’imaginer.
Il n’est pourtant pas possible qu’il ne vienne personne d’autre ! C’est du sable doux ! Il y a des balançoires ! Nous sommes samedi ! Il fait jour ! Il ne pleut pas !…
Attendre suffira-t-il ?
L’espoir, la terreur, la démangeaison, la pitié, la soif, et maintenant la douleur me ravagent.