Journal du conteur

Son ambition d’atteindre en cette vie…

Son ambition d’atteindre en cette vie des sommets l’a tourmenté longtemps. Y parviendrait-il ? En était-il capable ? Il est sûr qu’il n’a pas monté autant qu’il l’aurait dû pour se trouver aujourd’hui, presque au milieu de sa vie, à une hauteur conforme à cette ambition. Il est sûr aussi qu’il s’est toujours considéré infime, minuscule, indigne de ces espoirs délirants. Dans cet écartèlement, après des années de chutes invariables et d’ascensions timorées, il a fini par épuiser ses forces. Lassé, miraculé d’une énième chute grave, il a rabaissé ses ambitions. Et il découvre maintenant, avec gratitude, que moins il vise haut, moins petit il se sent.

Mais ce qui le poussait à se projeter si loin au-dessus des capacités qu’il se reconnaissait se trouvait en lui-même aussi, de sorte qu’une autre partie de lui-même devait juger délirante la taille qu’il se donnait, non ses ambitions. Cette partie de lui s’est étiolée, c’est d’une voix devenue à peine audible qu’elle clame désormais ses espoirs assagis. Cette voix il l’écoute encore, même s’il lui faut prêter l’oreille pour l’entendre, et c’est elle qui le préserve du risque de tomber dans l’excès inverse. Grâce à elle il continue à viser trop haut, mais juste un peu.

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