Journal du conteur

Un taxinomaniaque

Il passe son temps à classer tout ce sur quoi son attention se focalise, à dresser listes, tableaux, nomenclatures, qui ne le satisfont jamais, qu’il reprend incessamment, sans réussir à les parfaire : le taxinomaniaque est épuisé. Il n’a pourtant pas un instant de répit, dans ses rêves mêmes il catalogue moutons, étoiles, labyrinthes, monstres de cauchemars… Il ne peut plus regarder les choses, les sentir, les toucher : elles n’existent plus qu’en tant qu’éléments à classer. Désormais, seules les grilles sont vraies pour le taxinomaniaque, rien d’autre n’est réel.

Le peu de santé mentale qui lui reste, il le perdra bientôt, quand il aura atteint le stade de l’ultime taxinomanie, parfaite, infinie, spiralée : la taxinomanie des taxinomies elles-mêmes, qui consiste à classer les classements, et les classements des classements, et les classements des classements des classements…

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