Journal du conteur

Homme un

Il tend ses bras et regarde ses mains. Par instants le soleil y brille si fort qu’il en est aveuglé. Mais cela ne dure jamais longtemps ; il lui faut une certaine concentration, une certaine focalisation du regard le plus cultivé pour qu’il puisse se voir en ses mains comme en un miroir ; ces conditions lui sont rarement réunies, la plupart du temps il voit ses mains comme n’importe qui, grandes araignées griffues de chair aux tendons saillants. Tellement rare qu’il n’a jamais pu se mirer vraiment, à son aise, dans ses mains. De même qu’il n’a jamais pu qu’entrapercevoir le monde à travers son abdomen ; car pour voir à travers soi il lui faut aussi, comme pour se voir en soi, certaine concentration et focalisation du regard et de l’esprit cultivés à l’extrême, très rarement réunies. Une fois, une seule fois, il a vu, éberlué, comme en rêve, comme un mirage, halluciné, à travers lui. À force d’écarquiller les yeux, à force de se pencher pour s’approcher et voir plus près, il a été près de passer à travers lui. Ç’aurait été l’atteinte du salut — mais impossible aux hommes. Et tout à coup ses muscles abdominaux lui ont sauté aux yeux, son dos s’est redressé comme un ressort, et ses larmes ont coulé. C’est alors qu’il s’est le mieux vu, à travers ses larmes, en ses mains, qu’il s’est vu en elles comme il ne s’était jamais vu et comme il ne s’est plus jamais revu depuis : un et deux à la fois.

166

La rue était en travaux…

La rue était en travaux. Il le savait pour l’avoir empruntée souvent depuis quelques mois. Mais cette fois-ci les travaux étaient soudainement presque finis : tous les trous emplis de canalisations dans lesquelles un homme pourrait passer avaient été rebouchés, et un gros ouvrier, au volant d’un engin muni d’énormes cylindres en guise de roues, s’employait à aplanir la chaussée. L’engin reculait, et la marche arrière, par mesure de prudence, s’accompagnait d’une sirène horripilante. Le jeune homme s’avançait, distraitement, vers l’engin qui, ayant inopinément inversé sa course, avançait rapidement vers lui. Le jeune homme s’écarta, et se sentit affreusement coupable. Comme si le fait qu’il ait été près de gêner le conducteur, et par conséquent la marche des travaux publics, avait constitué une entrave à la croissance de l’humanité entière. Il sentait qu’on le blâmait, dans la rue ; chaque piéton se retournait sur son passage et lui jetait un regard mauvais ; les enfants ricanaient ; les vieilles femmes, peureuses, s’écartaient de lui en serrant fortement leur sac à main contre elles ; les hommes, enfin, les hommes grands et forts, courageux, le toisaient dédaigneusement. Il était la lie de l’espèce, une tare invisible mais très sensible le marquait inexorablement, et chaque membre sain de l’espèce ne pouvait pas ne pas sentir, en le voyant, qu’il n’aurait pas dû, à la naissance, être laissé en vie. Maintenant c’était trop tard, il gâchait leur vie, par sa seule présence il leur rappelait la dégénérescence qu’ils craignaient tous. Il faudrait le tuer ; ou mieux : qu’il se tue lui-même. Oui, c’était sans doute cela qu’on attendait, la raison pour laquelle personne n’avait encore pris une pelle pour l’en décapiter à la satisfaction générale, au milieu des travaux, jetant son corps parmi les canalisations avant de reboucher les trous… On attendait qu’il épargne cette peine aux autres. C’était lui le responsable : elle lui incombait ; à lui de réparer l’erreur des accoucheurs. Tous les regards le lui hurlaient : tue-toi !, supprime-toi !, fais-le pour nous !, pour le bien de l’espèce, pour sa pérennité.

Heureusement qu’il était célibataire ; dans le cas contraire, ils n’auraient probablement pas attendu son bon vouloir, et seraient déjà passés à l’action. Un petit groupe, une nuit, dans son appartement. Trois coups de couteaux, ses cris étouffés par son oreiller… tout était fini, personne n’avait rien entendu, personne n’en saurait jamais rien.

Il atteignit le bâtiment de son employeur, entra, et, assis dans la chaleur des machines parmi ses collègues indifférents, sa liste de tâches sous les yeux, il se calma. Il pourrait peut-être continuer à vivre.

165

C’est lui qui, dans sa jeunesse, a fondé l’exploitation…

C’est lui qui, dans sa jeunesse, a fondé l’exploitation. Aujourd’hui, cinquante ans plus tard, le vieil homme qu’il est devenu se balade, toujours actif, dans les vergers prospères. Plusieurs de ses petits-enfants sont avec lui. Il cueille des poires tout juste mûres, les essuie et les tend aux enfants, qui croquent dedans avec avidité, et s’en régalent. « Et toi grand-père, tu n’en prends pas ? », dit l’un d’entre eux. « Non, répond d’une voix allègre le vieil homme : je ne mange pas mes propres fruits. — Jamais ? — Jamais, depuis bientôt quarante ans. Je les sélectionne, les cultive, les veille et les protège, les attends, les cueille, les échange, les vends, les donne, mais je ne les mange pas ; j’y ai renoncé. L’arbre ne mange pas ses fruits ! » Et dans un sourire, il écarte ses mains, les ouvre paume vers le haut, comme pour signifier qu’il n’y peut rien, que c’est ainsi : ils ne sont pas pour lui.

164

Je me traîne vers ma vie…

Je me traîne vers ma vie, aussi lentement que je peux, en zigzag, honteux, j’avance de côté, les yeux détournés ou cachés derrière ma main, la regardant seulement du coin de l’œil, entre mes doigts à peine écartés. Mais j’ai beau prendre les chemins les plus sinueux, les détours les plus longs, je finis quand même par arriver à sa portée. Je rejoins là les autres et m’insère dans leur ronde. Je leur donne les mains, pour ne pas pouvoir toucher ma vie, et comme eux je tourne autour d’elle face contre terre pour ne pas la voir. De temps en temps, je lui jette un regard à la dérobée, le cœur battant, pour vérifier qu’elle est toujours là, sur son piédestal, qu’elle n’est pas partie, lassée d’attendre en vain. Et si la plupart du temps je l’aperçois qui m’observe avec sévérité, voire courroux, quelquefois il me semble la voir m’adresser un clin d’œil, qui me fait sursauter. Suis-je donc démasqué ? Mais l’instant d’après elle a déjà repris son faciès austère et moi, à la fois soulagé et désespéré, je continue à suivre la ronde, mes mains attachées et agrippées aux autres mains.

J’observe, quand de loin en loin le cas se produit, celui de mes compagnons qui s’est arrêté de tourner et qui, les yeux fixement levés sur sa vie, s’arrache à la ronde et aux mains envieuses, en quelques pas rejoint sa vie, s’en empare, et, ainsi pourvu, fait demi-tour et fend la ronde figée un instant, puis s’éloigne sans un regard pour nous qui à haute voix injurions son dos tout en le suppliant secrètement de nous aider à l’imiter.

163

Devant ma vie je me dédouble…

Devant ma vie je me dédouble, et je me bats contre moi-même. Ma vie est l’enjeu de ce duel : l’autre m’empêche d’y accéder. Il suffirait pourtant que le gardien de ma vie — ce demi-gardien — se retourne, pour que le combat cesse : il tomberait à genoux, il déposerait les armes et se rendrait, et soumis il embrasserait la vie. Mais c’est précisément pour ne pas se retourner qu’il se bat, pour ne pas avoir à se retourner, car il sait, puisque je le sais, ce qui l’attendrait dans ce cas.

Ce combat, je ne peux pas le remporter, car je le livre à peine : je retiens mes coups. La plupart du temps, je me tiens à distance de mon adversaire, et je regarde, au-dessus de sa tête, notre vie : sur son piédestal, elle se tient immobile, impassible, les yeux fixés au loin. Je finis par m’asseoir, et l’autre s’assoit lui aussi, juste sous la vie, adossé au piédestal. Là, j’attends de trouver le courage de me battre. Mais ce courage est dur à trouver, car l’autre est pitoyable dans l’énergie qu’il déploie pour rester constamment dos à cette vie qui est aussi, il le sait parfaitement, la sienne. Il me faut beaucoup de temps pour que l’impatience et le dégoût me révoltent au point de me pousser à le frapper. Et à l’instant où, enfin, j’ai trouvé le courage de me battre, je constate que l’autre a disparu : ma vie est offerte. Je m’en empare, mais jusqu’à maintenant je n’ai jamais réussi à la garder : l’autre finit toujours par revenir s’interposer entre moi et ma vie. L’attente alors recommence, tandis que notre vie, toujours impassible sur son piédestal, les yeux toujours fixés sur le lointain, peu à peu rapetisse, amenuisant à chaque fois l’enjeu du prochain combat.

162

Je lève les yeux, et constate que le piédestal…

Je lève les yeux, et constate que le piédestal autour duquel j’ai tourné pendant toutes ces années est vide : ma vie est partie, lassée, ou morte, ou bien elle a tellement rapetissé qu’elle a disparu. Je m’effondre et, au pied de ma vie, contre le piédestal de pierre, je pleure, anéanti. Je n’ai pas d’autre envie que de mourir. Mais je dois en avoir le cœur net : quand mes sanglots sont secs, je me hisse sur la pointe des pieds et je peux regarder la face supérieure du piédestal : j’y vois un petit caillou. Pour l’attraper, je dois grimper. Au bout de quelques minutes, j’ai réussi à me hisser sur le socle de pierre, et, accroupi, je tiens ce petit caillou au creux de ma main, un petit caillou marron, dur, apparemment quelconque. Je me redresse et jette un coup d’œil à la ronde, à la recherche de ma vie. Mais je n’ai pas d’espoir : si même elle était encore visible, elle ne reviendrait pas : j’ai pris sa place — la mienne.

161

Il s’enfonce pour la première fois dans cette forêt…

Il s’enfonce pour la première fois dans cette forêt dont il ne connaît que depuis peu l’existence, et que faute de temps il avait seulement effleurée depuis son arrivée récente dans la région. Quelques semaines plus tôt, il faisait encore beau et chaud, mais l’hiver a déjà commencé, le vent est fort et froid, et ça ne fera qu’empirer jusqu’au printemps. C’est peut-être aujourd’hui sa dernière chance de voir cette année la forêt sans neige, et c’est pourquoi il a voulu y consacrer son jour de repos, malgré la fatigue accumulée. Il ne connaît encore personne pour l’accompagner, mais pour une première rencontre il préfère de toute façon être seul. Il regarde avidement, respire largement. Il est entré avec prudence, presque avec timidité, observant les feuilles trembler, la lumière scintiller ; maintenant que le chemin s’est élargi il marche vite, et sent l’entrain et bientôt l’allégresse gagner son humeur. Par moments il voit un lapin traverser en courant le chemin, encore loin devant lui. Des oiseaux s’envolent, il ne voit pas d’autres animaux. Il sait qu’il y a encore ici des ours et des loups, mais que les chances d’en rencontrer sont négligeables.

Il s’arrête pour se reposer et déjeuner des provisions qu’il a apportées. Il s’allonge un moment, et s’assoupit même brièvement, hypnotisé par le balancement lent des plus hautes branches sur fond de nuages filant. Réveillé, il se lève et se remet à marcher vite pour se réchauffer, car l’humus déjà frais l’a transi à travers ses vêtements trop perméables. Il passe ses mains sur les écorces des arbres, pour sentir le bois ; les écorces dures lui griffent les paumes, mais c’est une sensation agréable. Il a ramassé une branche cassée, et il s’en sert pour retourner de petits tas d’humus. Des insectes grouillent et détalent, qu’il abandonne.

Vers le milieu de l’après-midi, il fait demi-tour. Il n’a vu aucun être humain depuis son départ. Il veut essayer d’autres sentiers pour rentrer. Il se perd et comme le jour décline vite, les nuages stagnant soudainement devant le soleil, une légère angoisse lui fait accélérer le pas. Mais il finit par reconnaître qu’il est dans la bonne direction ; durant les quelques dernières centaines de mètres, il devine déjà la lisière connue de la forêt, et un grand bien-être le remplit. Rentré chez lui, il tente de trouver sur sa carte de la région — le premier objet qu’il ait acheté ici, juste en arrivant à la gare — le chemin qu’il a suivi dans la forêt. À son agréable surprise, il n’y arrive pas. La carte est-elle fausse ou incomplète ? Il lui faudra retourner dans la forêt pour le vérifier : un bon prétexte (il en a malheureusement souvent besoin).

Une semaine plus tard, carte en main cette fois, il retourne dans la forêt. Plusieurs fois cette semaine, pendant ses moments d’oisiveté, il s’est abandonné à la hâte de ce retour. Le soir, il a étudié la carte. Deux fois il est allé jusqu’au bord du village, où il a essayé de faire correspondre visuellement toponymes et collines boisées. De loin c’est difficile, la perspective brouille les distances, et il manque les repères des chemins.

Il s’enfonce de nouveau, par le même chemin qu’une semaine plus tôt, et pointe sur la carte les repères, entoure au crayon les étapes. Il finit par comprendre ce qu’il avait fait. Le chemin est bien sur la carte, mais il serpente tellement, est coupé de tant d’affluents et de voies transversales, qu’il n’est pas étonnant qu’il ne se soit pas souvenu de tous ses tours et détours.

Reconnaissance effectuée, il rentre plus tôt que l’autre fois, et passe la soirée à préparer, sur la carte, son expédition de la semaine prochaine. Pour les vacances, il prévoit de s’attaquer à la grande ville voisine, rue par rue. Bien plus tard, quand il en aura fini avec la région entière, il sera de nouveau temps pour lui de déménager.

160

Le voilà qui bricole…

Le voilà qui bricole : il prend un ongle et le met sur sa paupière, il remplace ses orteils par ses doigts, ses doigts par ses orteils, il met ses yeux à la place de ses narines, ses narines au bout de ses seins, ses mamelons dans ses orbites oculaires ; il met ses cheveux sur ses fesses et ses genoux dedans, il plante ses dents tout autour de son cou comme un collier, il intervertit cœur et cerveau, bras et jambes, ou bien il colle ses chevilles à ses fesses, met ses jambes à la place de ses oreilles et ses oreilles au bout de ses jambes, puis dénoue et déplie son nombril et le modèle en forme de fleur… Les morceaux qui lui restent en main, il les détaille un par un puis, une fois qu’il a trouvé à les réutiliser, il observe comment fonctionne le tout, si la transformation est viable ou non. Comme il n’est jamais satisfait, il recommence sans cesse, et toujours, à regret, il en revient à tout remettre à peu près tel qu’il l’avait trouvé. Ce n’est pas manque d’imagination, mais plutôt que ses propres pièces sont trop peu nombreuses, et ne se laissent pas aisément détourner de leur fonction d’origine et plier à ses désirs. Il n’a pourtant que celles-là, qui sont à la fois tout son matériau et tous ses outils. Il ne peut même pas les échanger avec autrui, dont il ne peut attendre que la petite aide qui consiste à maintenir ses pièces pendant qu’il les travaille avec la douceur et la retenue que sa peur de les casser lui impose : c’est seulement en les caressant, en les frottant, en soufflant dessus qu’il essaye de les façonner. Il change ainsi presque constamment, mais si peu chaque fois, si lentement, qu’on n’a pas de mal à le reconnaître, sur lui on voit plutôt ses efforts que leurs résultats.

159

Comme ils ne quittaient pas le soleil des yeux…

Comme ils ne quittaient pas le soleil des yeux, ils ne se rendaient pas compte qu’ils marchaient dans la boue. Longue et lente file d’anonymes embourbés aux mentons levés, qui circulait autour du monde sans en avoir conscience, qu’on allait voir, depuis les villages, comme un troupeau d’animaux migrateurs, dont les passages mesuraient le temps. À force de suivre en boucle le même chemin de hasard au fil des générations, ils l’avaient creusé, et la boue s’y était installée, de plus en plus épaisse et haute. Les premiers en avaient déjà jusqu’à la taille, et tous devaient lever haut leurs genoux pesants, mais ils n’y prêtaient pas attention : leurs regards fixés sur le soleil et brouillés par le ruissellement continuel de leurs larmes ne descendaient pas jusque-là, au plus bas de son champ de vision chacun ne voyait que le sommet du crâne de son prédécesseur immédiat. Depuis les berges, des femmes leur tendaient des mains secourables, des branches, qu’ils n’apercevaient pas.

Jusqu’au jour où le chemin fut tant creusé, où la boue y eut tant monté qu’elle submergea les premiers de la file. Beaucoup furent ainsi sauvés mais certains prirent peur, ne parvinrent pas à se laisser engloutir et sauver et se débattirent, et leur panique, leur débâcle gagna de proche en proche toute la file immense. Chacun dès lors s’efforça de s’enfuir en escaladant les berges, qu’il voyait pour la première fois. On s’arrachait les quelques branches et les rares poignées d’herbes émergeant des flancs visqueux des berges, on poussait, on appuyait frénétiquement sur ses devanciers pour grimper plus vite, on écrasait les corps qui avaient glissé dans la boue. Dans ce chaos — où ils entraînèrent beaucoup des malheureuses qui essayaient de les hisser —, ils se piétinèrent et s’engloutirent presque tous.

Comme si la nuit était tombée en plein jour, ils avaient brusquement cessé d’être obsédés par le soleil. Alors une boue grasse, épaisse, recouvrit les terres émergées, remplaça les mers, enveloppa la terre entière.

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Le but qu’il s’est donné est posé…

Le but qu’il s’est donné est posé, offert, sur la table — là où il l’a mis lui-même ; assis sur la chaise, il n’a qu’à tendre la main pour le saisir. Mais il s’efforce de ne pas le saisir : devant son but il se retient, avec une constance désespérée, car son but est justement de ne pas saisir son but. C’est pour se concentrer sans diversion sur cet effort qu’il nous a quittés, il y a déjà de nombreuses années, qu’il s’est retiré dans les hauts plateaux déserts, pour se concentrer sur cette lutte très difficile, presque insoutenable. Mais ce serait encore pire, encore plus dur s’il cédait à la possibilité néfaste de saisir ce but dérisoire, dérisoirement inutile et consciemment choisi comme tel, car alors rien — il le sait —, absolument rien ne se passerait, rien ne changerait et il faudrait recommencer… Et combien ce serait difficile de recommencer, sans l’espoir diffus qu’à défaut d’idéal le but instille… Plutôt la mort que ça !

Bien sûr, il voudrait ne plus avoir à lutter : être libéré du but, l’oublier, quitter la cabane, redescendre parmi nous et reprendre la vie. C’est là son vrai but, mais pour l’atteindre il doit déjà franchir l’obstacle du premier, et il en est encore loin.

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